{La Gloire de mon Père}

Je trouve particulièrement frustrant en ce moment de me souvenir d’un tas de moments de mon enfance avec les copains, à l’école, chez mes grands-parents ou encore seule dans mes pensées de petite fleur bleue, mais de ne pas retrouver au fond de ma mémoire avec la même précision des souvenirs avec mes parents. Des conversations. Des jeux. Des EMOTIONS.

C’était déjà pas évident d’écrire une note sur ma mère, mais là ça fait carrément 1 mois que je sèche sur celle qui doit parler de mon père !

J’ai l’impression de me souvenir toujours des mêmes choses, de la même période adolescente qui ne lui rend pas particulièrement justice tant à cet âge ingrat je me plaçais en opposition par rapport à son autorité.

Alors je vais essayer de remonter le temps, et de voir ce que j’y trouve…

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Quand je nais en 1979, il a encore des cheveux et une belle moustache. Il a un corps de gymnaste, de footballeur et de tourneur-fraiseur tout ça à la fois, il est très grand et s’occupe de moi le vendredi après-midi. Il fait sensation dans le village car un père qui promène son enfant ce n’est pas encore si courant à l’époque. Comme je l’ai déjà mentionné quelque part, la légende voudrait que je lui réservais les plus énormes étrons de la semaine à l’heure du goûter…

Quand nait mon frère en 1981, il a déjà un peu moins de cheveux, mais sa moustache piquante est toujours là, il prend encore le bus devant chez Murat pour aller travailler et continu à taper la balle au FCR73.

De cette époque, je n’ai que les souvenirs que me racontent les photos, pas moyen d’en dégotter un à moi, un vrai qui ne m’aurait pas été rapporté par quelqu’un…

Mes premiers vrais souvenirs me racontent un homme honnête, droit, sévère ce qu'il faut, épris de justice et de respect et qu’il ne fallait surtout pas énerver quand il remplissait le coffre de la Renault 21 pour les départs en vacances ;)

Un papa qui me faisait réviser mes tables de multiplication et qui devait un peu s’arracher les cheveux (enfin ce qu’il en reste à l’époque) devant mon manque de logique arithmétique.

Un homme qui s’est remis à des cours du soir pour apprendre l’anglais, et qui partait avec sa serviette en cuir marron pour aller répéter que son tailor était rich.

Un papa qui donnait le signal le dimanche matin en sifflant entre ses dents, pour nous autoriser mon frère et moi à venir nous glisser dans les draps de leur lit (pendant que maman préparait le bananananas ;) )

Un homme qui lisait le journal tous les jours, et qui nous envoyait le chercher dans le tube à journal le w-e, en pyjama et chaussons au bout de l’allée.

Un papa qui a autorisé la coiffeuse à domicile à lui couper en cachette la petite houpette qu’il avait sur le front, et la mèche qui lui barrait inutilement le crâne mais que je l’obligeais à conserver à chaque fois.

Un homme qui porte toutes sortes de chapeaux : des casquettes Roland Garros aux bobs Crédit Mutuel en passant par des chapkas en polaire. Un jour peut-être se mettra-til aux bérets, comme son père.

Un papa qui montait tout en haut de l’échelle pour nous cueillir les meilleurs cerises.

Un homme qui rendait toujours service, avec qui on a tenu les stands de la marche populaire, servi des barquettes de frites au club house et pêché la truite à l’étang de Lauw.

Un papa qui m’a appris à bricoler dans son établi, à manier la scie et l’étau, qui m’a laissée farfouiller dans ses outils et ses boîtes en métal pour fabriquer toutes sortes d’objets plus magiques les uns que les autres.

Un homme qui voudrait une masseuse à domicile rien que pour lui tant il aime être pétris (de bonnes intentions).

Un papa qui accepte de laisser sa fille conduire une mobylette Peugeot Fox Deluxe à 16 ans, plutôt que de l'accompagner en voiture.

Un homme qui a changé 3 fois de métier, qui n’a pas choisi les plus reposants, et qui s’en est sorti malgré les difficultés.

Un papa qui a marié sa fille, à peu près aussi émue qu’elle en s’avançant vers l’autel.

Un homme qui a botté les fesses à un cancer.

Un papa qui est devenu Papi, qui a vieilli mais qui s’en tire plutôt pas mal... qu’est ce que vous en dites les filles ? ;)

J’ai l’impression finalement que pendant longtemps, j’ai plus vu l’homme en toi, que le papa.

Que cette exigence de droiture que tu as envers toi et les autres a fait de l’ombre à ta facette de père.

Aujourd’hui que je suis « moins impressionnée » par ta grosse voix, ton « bleck » et tes silences, je redécouvre enfin à nouveau le père en toi.

Je le redécouvre à travers mon fils.

Je te vois tel que tu as dû être avec nous, à peu de choses près.

Je vois de la tendresse, de la patience (finalement !) et de la force.

Tout ceci s’est étoffé avec les années, avec ton passif, avec les épreuves que tu as affrontées, mais le fond je le reconnais bien en fin de compte. Je m’en souviens.

Le fond c'est de l'amour à l'état pur, le plus beau, l'inconditionnel, celui qu'on ne comprends qu'une fois qu'on est devenu parent à son tour.

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Avec Maman, on s'assemble et avec toi, on se ressemble.

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Aujourd'hui je suis très sereine pour accepter cette ressemblance comme un cadeau, et une chance.

Et toi aussi, je t'aime !!!

Comments

[Le Chat]

oh que ça a pas du être facile... et oh que c'est émouvant comme billet...

[Lilou the Frog]

@Landrellec: au moins tu as déjà le titre: "Mon père, ce héros" ;)

@Mamoune: Oh que je suis contente de te lire me confirmer ça !

[RodraFrog]

oui c'est cent pour sang ton pounou....à travers ton regard de fille adulte et maman, sincèrement admirative et indulgente, émotionnellement proche et compréhensive ! La justesse de tes mots touche son coeur, je le sais. Et moi je le (re) connais comme tu le décris " mon mec à moi " :-)

[landrellec]

J'ai pensé à rédiger quelque chose sur mon père, mon héros de petite fille unique.
Je n'ai pas réussi ... Une prochaine fois !

Joli billet empli de souvenirs, c'est chouette.

[Lilou the Frog]

;) Merci !